En exergue du recueil, de belles citations romantiques nous laissent déjà deviner la nature profonde de l’auteur. Il se dégage tout de suite le souvenir d’une déception amoureuse.
« Je sais que tout amour
Pour toi
Est fiasco d’affection »
Une incertitude se fait jour quant à ce sentiment sans lequel la vie n’existerait pas. Mais quelle vie ?
« La vie n’est pas une vie en soi
Mais la vie peut allumer
La vie. »
Le poète cherche des guides, des jalons, dans un monde où seul le doute conduit nos pas hésitants. Doute qui transparait dans ce jeu d’inversions, d’aller-retour qu’affectionne Méleck Jean Baptiste.
« Qui déserte la vie
En pleurant
Qui vit les pleurs
En désertant »
Il marque ainsi la relativité des choses, car nous pouvons tout démontrer et son contraire. Relativité et réalités bruyantes obsédantes qui nous accablent sont décrites dans « les technologies
D’amour » et nous donnent envie de crier pour appeler le silence. Est-ce pour éviter que
« les êtres s’éparpillent
A la folie exterminatrice »
Le fil d’Ariane que l’on retrouve dans toutes les littératures est cette tendresse en confidence
« j’aime faire l’amour
Quand la pluie tombe
Aux crépitements des toits musicaux »
Elle épelle le prénom d’Aurédine, mais l’amour n’est que merveilles et futilités. Le refuge véritable est la création, l’arme secrète du poète, même s’il est conscient :
« que nous sommes les chairs à plume
Du monde »
Le poète est investi d’une haute mission, et Méleck Jean Baptiste le sait bien :
« nous sommes des esthètes
De la vérité »
Ce pouvoir de création, détermine la personnalité de l’artiste. Il a besoin de trois éléments : l’imaginaire, la sensualité, la sensibilité.
« qui n’a point rêvé
n’a ni corps, ni âme »
La création s’inscrit dans la durée, dans le temps, grand maître
du cycle de la vie et de la mort :
« Les os de mon bassin
Remontent à Lucie l’Africaine »
« le temps est du vent
Le vent est du temps »
Le temps et l’écriture reliés par la mort.
Des tourments de l’amour l’auteur s’en méfie, ruptures, retours, multiplient les déstabilisations :
« ne reviens pas
Pour planter le désarroi
Dans ma vie d’homme »
A-t-il un désir de paix avant toute chose. L’ivresse est-elle la voie privilégiée, pour atteindre les mondes invisibles. Non, la révolte est plus profonde, elle ne prend pas naissance aux marbres des cafés pour se volatiliser, aux portes de la ville. Méleck Jean Baptiste se révolte sans cris, mais avec le refus inébranlable tracé de sa
« …plume rebelle
Aux sortilèges éclatants »
Révolte sans tapage, simplement elle permet de supporter l’angoisse du temps s’écoulant inexorablement vers le néant.
« le temps
Lynche
Les hommes à la merci
Du temps »
L’auteur met en évidence la dignité que confère le don de l’écriture, son rôle de témoin et d’éveilleur dans un monde en déroute.
« je suis un signal
D’un monde en détresse «
Il rêve d’un sommet universel, non pas politique, car qui peut encore croire à cette utopie, mais d’un sommet de l’amour tel que le rêvait aussi Tiago de Melo grand poète d’Amazonie.
Le corps et l’âme, l’esprit en lutte avec la matière, cette dualité constante n’échappe pas à l’auteur.
Perdu parmi les incertitudes, c’est en philosophe que Méleck Jean Baptiste conclut « l’Autopsie des cœurs »
« je fais mon deuil
En riant
Loll …
Délires d’un survivant »
Car ainsi que j’ai pu le lire souvent, les habitants de l’Ile Bleue, demeurent toujours à travers le temps, des survivants.
Denise Bernhardt
Sociétaire des Poètes Français
Pen Club Français